lundi 27 octobre 2014

Les effets d'apprentissage de l'émotion dans le serious game d'immersion

Vous êtes dans un serious game immersif. Vous vous êtes identifié au héros du jeu. Vous poursuivez les buts qui lui sont assignés : par exemple apprendre à mener des entretiens.

Tout d'un coup, sans que vous vous y attendiez, une épreuve se met en travers de votre progression. Cette épreuve, bien sûr, n'est pas sans rapport avec les objectifs pédagogiques de votre apprentissage : vous devez calmer ce personnage énervé qui vous barre le passage et, donc, faire preuve d'un savoir faire en communication d'entretien de face à face.

Vous savez que si vous ne surmontez pas cette difficulté, vous perdrez des points sur une échelle qui évalue les "bonnes manières" de faire dans tout entretien. Vous ne pourrez obtenir le badge performance que vous visez et, sans doute, votre manager et vos collègues seront prévenus que vous êtes tombé dans un des pièges tendus sur votre parcours d'apprentissage.

Vous êtes donc, tout d'un coup, sous tension. Il y a toute une série d'enjeux de valorisation, de compétition, d'amour propre..., qui sont apparus. Vous vous trouvez être dans le même état émotionnel que lorsque vous passiez au tableau, en classe, pour résoudre un problème devant le professeur et les camarades. Votre esprit tourne à toute vitesse, tout est là dans votre mémoire, mais dans le désordre et vous perdez un peu de vos moyens. Puis les choses se mettent en place, vous commencez à vous maîtriser et à rentrer dans l'exercice imposé en faisant appel à vos ressources et à vos acquis.

Dans l'épreuve que vous présente le serious game, il en est de même. Votre état émotionnel va être dépassé et vous allez mobiliser tout ce dont vous disposez pour surmonter l'épreuve, compte tenu du fait qu'il vous faut vraiment calmer ce personnage, que plusieurs modalités de réactions s'offrent à vous, que vous ne savez pas vraiment qu'elle est la plus appropriée, que vous supputez ses réactions à chacune de vos interventions possibles... Vous êtes en phase aigue d'apprentissage car vous êtes fortement impliqué dans la découverte de la bonne manière de faire.

Les réactions du jeu et, donc, du personnage, vont vous montrer tout de suite si vous avez bien raisonné et trouvé cette "bonne manière de faire". Vous allez vraiment vous rappeler votre choix. Votre apprentissage va progresser. Si vous vous êtres trompé, vous vous rappellerez aussi cette erreur que vous ne referez plus. D'ailleurs, tout cela sera analysé en détail, à la fin du serious game, dans le débriefing qui vous sera proposé et qui décortiquera tout vos coups joués.

L'état émotionnel favorise la mobilisation de vos ressources et facilite l'engrammage des apprentissages réalisés sous cette forme mineure du stress. Ce "stress" qui est d'ailleurs appelé par les spécialistes : le "bon stress" : celui qui démultiplie les potentialités de réaction au service de la résolution du problème rencontré.

Voilà donc un des intérêts forts du serious game d'immersion : l'implication suscitée favorise les apprentissages.


  


lundi 20 octobre 2014

Les procédés de la gamification

La gamification en formation e-learning n'est pas une mode. C'est la reconnaissance et l'utilisation de très vieux procédés pédagogiques fondés sur l'introduction du jeu. Voyons quels sont les procédés à utiliser pour gamifier un e-learning pour le rendre plus attractif ?

Les procédés de la gamification

Rappelons que « la gamification est le transfert des mécanismes du jeu dans d’autres domaines, en particulier dans les domaines des sites web, des situations d'apprentissage, des situations de travail ou des réseaux sociaux »  (Wikipédia).

Finalités d’une gamification

Pour réaliser une bonne gamification, il faut se rappeler les finalités fondamentales d’une telle mise en forme de l’activité d’apprentissage :

  1. La création de sens (se perfectionner, être le meilleur, être reconnu comme le meilleur, monter en niveau de compétence, faire partie d’une communauté, pouvoir donner des conseils...).
  2. La création d’émotion (être sous tension, vouloir réaliser telle ou telle performance, avoir peur de rater, être pris au jeu, oublier la réalité...). « Il y a bien des façons pour gamifier avec succès. La clé est toujours la connexion émotionnelle avec l’utilisateur » (Phillips Internet Consulting). 

 

Le mécanisme de base de la gamification : la « pointification »

La gamification en formation est fondée sur l’idée de jeu dans lequel on « gagne » quelque chose ou on « ne gagne pas » quelque chose. Ces « gains » et « non gains » sont notifiés de différentes façons comme nous le verrons dans le tableau ci-dessous.


Les mécanismes généraux d’une gamification


Les mécanismes généraux Les formes de leurs concrétisations
1. L’auto-évaluation permanente Les notifications de la « pointification », les avancées sur une barre de progression, la notation de tests, l’acquisition d’habiletés, le gain de tel ou tel challenge, les débriefings sur les coups joués...
2. La création d’émotion Les épreuves imprévues à passer, l’intérêt du jeu, l’intérêt de l’immersion, la résolution d’énigmes, les risques dans les réponses, les risques dans les choix, les risques dans les combats, les risques de la compétition organisée, les découvertes, les imprévus, les coups du sort, les surprises, le gain final...
3. La progression visualisée Les classements et tableaux comparatifs (tableaux d’honneur), l’affichage des réussites et des pertes, les barres de progression, les échelles de points, l’atteinte d’objectifs intermédiaires, le rassemblement d’insignes gagnés, l’accès à des statuts...
4. La valorisation organisée Tableaux comparatifs, tableaux d’honneur, les félicitations données, appartenance à des cercles, appartenance à des « niveaux », possession de « badges », l’affichage de « profils », l’accès à des parcours réservés, les cérémonies de remise de prix, les gains de cadeaux et de récompenses...
5. L’appartenance certifiée L’appartenance à des « cercles » d’initiés, la possession de badges et certificats affichés sur le « mur » personnel, le droit de donner des conseils, le droit de faire des dons, partage sur le social learning, sur les réseaux sociaux, agrandissement de son réseau d’appartenance...



Conclusion


La gamification appliquée en formation est de toute évidence un apport intéressant pour les innovations pédagogiques dont le monde de la formation professionnelle a besoin car le présentiel s'essouffle et il faut redonner de l'intérêt à la formation. Il faut aussi se rendre compte que notre monde a changé et que les manières classiques d’apprendre et de se former ont besoin d’un nouvel élan.


mardi 14 octobre 2014

Serious game sur étagère et serious game spécifique

Alex Mucchielli
Entretien avec Alex Mucchielli
Expert en conception et scénarisation de serious game, habilité par le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.











Go Serious :
Vous êtes le scénariste d'un serious game d'aventure stratégique sur-étagère : Les Nouvelles Aventures de Sindbad, destiné à la formation professionnelle des managers de proximité. Expliquez-nous comment on peut envisager un serious game sur-étagère

Alex Mucchielli :
Qui dit:  sur-étagère, dit : s'attaquant à des problèmes génériques, à des problèmes typiques et récurrents, pour lesquels il existe des bonnes manières de faire, reconnues et mises au point par les experts internationaux.

Si je prends, par exemple, une formation à l'entretien de bilan annuel. Une procédure type du déroulement de l'entretien existe. Elle comporte les phases de l'entretien, les objectifs de chaque phase, les questions qu'il faut aborder, les attitudes qu'il faut avoir dans le dialogue, les synthèses, relances et conclusions qu'il faut savoir faire... Ces éléments de conduite et de savoir-faire fournissent les bases d'un modèle pédagogique que l'on va utiliser comme référent pour la construction de situations-problèmes servant d'épreuves au joueur-apprenant. Par ailleurs, les réactions du joueur-apprenant, lors des l'épreuves, seront évaluées par rapport à ce modèle. 

Pour la formation des managers de proximité, il existe, comme pour la formation à l'entretien de bilan, de nombreuses situations-problèmes typiques, pour lesquelles il existe des bonnes manières de faire, qui vont servir de points de repère pour l'élaboration des épreuves de formation du joueur-apprenant et du modèle pédagogique d'évaluation.

Go Serious :
Que répondez-vous aux DRH et aux responsables de formation - ou même aux chefs d'entreprises- qui disent que chez eux, le sur-étagère, cela ne peut pas marcher, car ils ont des besoins spécifiques, compte tenu de leur cadres et de leur culture d'entreprise.

Alex Mucchielli :
Ils ont en partie raison. Je reprends mon exemple de l'entretien de bilan annuel. Ils peuvent très bien avoir mis au point une ou des procédures spécifiques de déroulement de cet entretien pour telle ou telle de leurs catégories de personnels managers. Ils disposent donc du guide des bonnes manières de faire et du modèle pédagogique, référent de la formation à donner. Ces éléments forts de la formation vont pouvoir être incorporés dans notre serious game sur étagère consacré à l'entretien de bilan. Ils vont modifier les situations-problèmes rencontrées par le joueur-apprenant, ils vont modifier l'offre des interventions proposées et vont aussi modifier le modèle pédagogique d'évaluation. Au total, à partir de la même superstructure du jeu d'aventure, nous aurons un serious game spécifique, car fonctionnant avec un modèle pédagogique adapté à l'entreprise.

Go Serious :
Vous dites : "ils ont en partie raison de refuser le serious game sur-étagère". Mais vous m'expliquez qu'ils ont totalement raison, puisque vous débouchez sur la réalisation d'un serious game sur mesure !

Alex Mucchielli :
Je dis "en partie", car, comme vous avez pu le remarquer dans mon explication, le serious game spécifique est élaboré à partir de la superstructure du serious game sur étagère. Il peut exister, parce que le serious game sur étagère fonctionne et lui fournit les éléments de base de ce fonctionnement.

Go Serious :
Mais, qu'est-ce que cela veut dire : "un serious game spécifique, élaboré à partir de la superstructure du serious game sur-étagère et de ses éléments de base de fonctionnement " ?

Alex Mucchielli :
Prenons, par exemple, le game design de notre serious game sur étagère et regardons comment il peut fournir des éléments de base au serious game spécifique. Nous considérons toujours que ce serious game est centré sur l’acquisition de la compétence : "maîtrise d'un entretien de bilan".

Prenons notre univers ludique de jeu : nous sommes dans un port de l'Italie de la renaissance et, Sindbad, jeune marin aventurier, revient prendre en main l'affaire d'import-export de son vieux père. Il rencontre une série de situations de management qu'il doit résoudre. La totalité de cet univers transposé sera gardée.

Prenons l’intrigue générale, c'est-à-dire : la stratégie globale du héros, ses objectifs et ses missions et le découpage de cette intrigue en situations-problèmes. Ce cadre du jeu sera quasiment identique : seuls les sous-objectifs de la maîtrise de la situation-problème : "entretien de bilan",  varieront en fonction du nouveau modèle pédagogique.

Prenons la description des personnages et de leurs caractères : physique, histoire, enjeux et compétences… On pourra reprendre les mêmes personnages.

Prenons les règles de la jouabilité, c'est-à-dire : comment les personnages interagissent entre eux ? Ces règles sont en relation avec le moteur du jeu. Là encore le moteur du jeu sera le même. En fonction du modèle pédagogique et des parcours possibles offerts au joueur-apprenant, seules les modalités des interventions du joueur seront modifiées, toujours d'ailleurs, en fonction du nouveau modèle pédagogique.

Considérons enfin le modèle pédagogique sous-jacent et les règles de la pointification allant avec lui (gain et perte de points, jauges, badges... ). La structure externe de notre modèle pédagogique est explicitée sous la forme d'une double échelle : cinq ou six dimensions, représentant les objectifs des interventions du joueur-apprenant, dimensions sur chacune desquelles des points peuvent être perdus ou gagnés. Dans cette structure, seuls les noms des dimensions de l'échelle changent. Evidemment en fonction du nouveau modèle pédagogique fourni. Tout le reste fonctionne à l'identique.
Voilà comment on peut considérer que notre serious game sur étagère fournit les éléments de base du fonctionnement d'un serious game spécifique.

Go Serious :
Alex Mucchielli, après vos explications, une conclusion s'impose d'elle-même : le serious game va se développer, sous ses deux formes : sur étagère et spécifique. Quelles conséquences cela va-t-il avoir ?

Alex Mucchielli :
La plus importantes des conséquences concerne la relance de la formation professionnelle des managers : ils n'ont pas beaucoup de temps, ils sont lassés des formations présentielles qui reposent trop sur la relation avec l'animateur et qui ont peu de retombées professionnelles, ils sont déçus des formes classiques des e-learnings et ils attendent que leurs entreprises leurs proposent des formations vraiment innovantes. Le serious game d'aventure, dans un univers ludique et transposé, offre, désormais, cette solution attendue.

Go Serious :
Justement, l'introduction du ludique dans la formation, n'est-ce pas une mode et un leurre de facilité, obérant l'efficacité recherchée ?

Alex Mucchielli :
Ma réponse repose sur les deux expérimentations que nous avons menées avec des directeurs et des chefs de service de deux grandes entreprises. Après les plays tests réalisés, que nous ont dit ces personnes ? Qu'ils étaient agréablement surpris, voire enchantés de découvrir cette nouvelle modalité de formation : innovante, captivante, riche, convivial, amusante, apportant de la respiration... Qu'ils la recommandent fortement pour leurs subordonnés et qu'ils la prendront même pour eux. Les dialogues les ont impliqués et ils ont jugés les débriefings fortement pédagogiques dans leur originalité. Le ludique, dans de tels serious games, c'est la réintroduction dans l'apprentissage, de la force du jeu. Ce n'est pas la rigolade, c'est l'immersion, l'émotion et, au final, l'oubli des apprentissages demandés qui se font alors, "par la bande", quasi-inconsciemment !



jeudi 9 octobre 2014

Une échelle d'évaluation qualitative des serious games

Alex Mucchielli
Dans le monde de la formation professionnelle, la mode s'est emparée des "jeux sérieux". On parle partout des serious game, tout le monde veut son serious game... En fait, lorsque l'on regarde de près ce qui est proposé, on s'aperçoit de la grande variabilité des réalisations. Certains serious games ne sont même que des simulations, par exemple. Se pose donc un problème d'appréciation de la qualité de ces jeux sérieux et, par conséquent de la définition de critères d'évaluation.





Les caractéristiques des jeux

 

D’après Caillois, les jeux sont définis par six caractéristiques bien particulières, caractéristiques qui font d'ailleurs leur attrait.
Le jeu est une activité libre qui a un caractère ludique et facultatif : c'est une activité séparée des autres activités de la vie et elle  est circonscrite dans des limites d'espace et de temps ; c'est une activité incertaine : son issue n'est pas connue à l'avance ; c'est une activité improductive qui ne crée ni biens, ni richesses (même les jeux d'argent ne sont qu'un transfert de richesse), c'est une activité réglée soumise à des lois spéciales en dehors de l'ordinaire ; enfin, c'est une activité fictive qui est accompagnée d'une conscience fictive de la réalité seconde.

Les spécialistes ont admis que les caractéristiques : "activité libre" et "activité improductive" des jeux pouvaient être laissées de côté sans que cela porte atteinte à la nature profonde du jeu. En effet, si un joueur, joue, il ne peut être sûr que c'est en total liberté qu'il a fait ce choix, car il ne peut avoir accès à ses motivations profondes ou, même aux contraintes sociales qui le manipulent. Par ailleurs, il y a très peu de jeux qui ne servent à rien, qui ne produisent rien pour les joueurs. Le moindre jeu produit chez le joueur qui s'y adonne, une habileté à jouer ce jeu, un jeu apprend toujours à maîtriser des règles... Il n'y a donc pas d'improductivité d'apprentissage.

Dans la typologie de Caillois, de nombreux autres critères possibles de classement ne sont pas explicitement pris en compte car ils se retrouvent, d'une manière ou d'une autre, dans les diverses caractéristiques énoncées.

Des critères pour évaluer les serious games

 

Ceci  nous amènent à proposer de retenir six critères particulièrement adaptés aux serious games. Ces critères sont situés à l'intérieur des caractéristiques de Caillois. Ils vont servir au positionnement des jeux sérieux sur une échelle qualitative allant du : "Très bon jeu sérieux", au : "Mauvais jeu sérieux".
Ces critères sont :
  1. le degré de compétition proposé, 
  2. le degré simulacre atteint,
  3. le degré d'immersion permis,
  4. la possibilité d'addiction,
  5. la structure pédagogique invisible du jeu,
  6. le degré d'émotion suscitée.

Le degré de compétition proposé

Les jeux entrainent, quasiment toujours, une évaluation des performances réalisées, ne serait-ce que l'auto-évaluation de ses performances que fait le joueur lui-même. Dans les jeux informatiques, cette évaluation repose sur un calcul des performances donnant lieu à des gains ou des pertes de "points" par rapport à un modèle de performances caché. Ceci permet des compétitions, des défis, des classements et d'acquérir des appartenances à des cercles de niveaux d'habilité. Ces éléments de compétition sont plus ou moins forts et plus ou moins mis en avant dans le jeu. Nous avons dans les jeux sérieux, tous les éléments qui ont été repris dans les ludifications (gamifications) des diverses activités non essentiellement ludiques.

Le degré de simulacre atteint

Ce degré de simulacre est fortement lié à la qualité du monde ludique proposé par le jeu sérieux. Un "monde ludique", c'est un monde qui n'est pas le monde de la vie de tous les jours ni, évidemment, celui du travail. Ainsi, si un jeu de vente vous met dans un univers quasi professionnel, il n'atteint pas un fort degré de simulacre. Si l'univers proposé par le jeu est très éloigné de la réalité, tout en en respectant les règles implicites de fonctionnement, alors il atteint un fort degré de simulacre. Il n'est pas évident de créer de tels mondes ludiques. Un monde ludique, c'est justement un monde qui vous entraine dans une fiction divertissante, éloignée des pesanteurs du réel habituel. On pourrait dire que le degré de simulacre atteint est lié à la force du dépaysement proposé.

Le degré d'immersion permis

La possibilité d'immersion dans le jeu sérieux est liée à plusieurs éléments : l'univers intéressant et agréable du jeu ; l'intrigue  et le scénario captivants du jeu et, la sympathie plus ou moins forte éprouvée pour le héros et pour son rôle. Nous retrouvons là les travaux de Jacques Henriot (1989) proposent une théorie dans laquelle il distingue : l’attitude du joueur et la structure ludique du jeu. Dans "l'attitude", Henriot met des degrés d'engagement qui vont de : être dans l'illusion totale (immersion et implication maximum), jusqu'à : faire comme si on jouait ("sous couleur de jouer", dit-il) (immersion faible liée à la réflexion). Mathieu Triclot (2011) confirme aussi nos propositions en mettant en avant le critère du "rapport à l'image". Il est important que l'univers ludique proposé soit agréable et attrayant.

La possibilité d'addiction

Certes, vous avez gagné des points et réalisé quelques performances qui vous sont d'ailleurs signalées lors du "débriefing" final dans lequel vos coups sont analysés et commentés.  Mais, vous voulez faire mieux. Comme à l'école lorsque vous remettiez vos quelques billes préservées en jeu, pour gagner celles des copains. Un jeu offre donc la possibilité de rejouer et de se prendre de passion.
Le serious game doit permettre au joueur de recommencer son parcours pour espérer éviter les erreurs qui lui ont été signalées ou pour espérer gagner tel ou tel badge plus intéressant. Le serious game peut offrir la possibilité de devenir addict et de rejouer plusieurs fois jusqu'à ce que le débriefing signale le parfait parcours et délivre la distinction suprême : le super badge. C'est à ce moment que, sans trop s'en douter, le joueur aura engrangé un certain nombre de savoir-faire et d'habiletés liés aux objectifs pédagogiques cachés du jeu.

La structure pédagogique invisible du jeu

Dans la "structure du jeu" (ce que les scénariste appelle : le "game"), Henriot met en avant la contingence totale de celui-ci ou sa logique implacable, tout en faisant remarquer que, dans un jeu "comme le morpion, il existe une part de contingence pour les néophytes et aucune contingence pour les habitués qui connaissent la logique du jeu...".
Dans le serious game, on ne peut guère envisager une structure totalement contingente car il s'agit de faire passer des apprentissages. Il y a donc un "modèle pédagogique" sous-jacent et, donc, le jeu a nécessairement une structure logique. Cette structure logique est plus ou moins  apparente au joueur. Si elle est trop apparente, le jeu perd de son intérêt. Pour que le joueur la voit apparaître, il faudra, comme dans le jeu de morpion, qu'il rejoue de nombreuses fois.

Le degré d'émotion suscité

Il y a un critère qui traverse tous les critères énoncés ci-dessus, c'est l'émotion suscitée par le jeu. Les jeux, lorsque l'on y joue, créent de l'émotion. Ce critère nous paraît devoir être mis en avant car, dans l'apprentissage par le jeu, c'est cette émotion qui est interpelée. C'est elle qui permet l'ancrage des choses apprises. L'état émotionnel suscité par la mise en scène doit favoriser la mobilisation des ressources et permet de faciliter l'engrammage des apprentissages réalisés sous cette forme mineure du stress. Ce "stress" qui est d'ailleurs appelé par les spécialistes : le "bon stress" : celui qui démultiplie les potentialités de réaction au service de la résolution du problème rencontré.

Si dans un serious game, vous êtes tout d'un coup, face à une épreuve, vous savez que si vous ne surmontez pas cette difficulté, votre manager et vos collègues seront prévenus que vous êtes tombé dans un des pièges tendus sur votre parcours d'apprentissage. Vous êtes donc, tout d'un coup, sous tension. Il y a toute une série d'enjeux de valorisation, de compétition, d'amour propre..., qui sont apparus.

Face à l'épreuve, vous perdez un peu de vos moyens. Puis les choses se mettent en place, vous commencez à vous maîtriser et à rentrer dans l'exercice imposé en faisant appel à vos ressources. Votre état émotionnel va être dépassé et vous allez mobiliser tout ce dont vous disposez pour surmonter l'épreuve. Vous êtes en phase aigue d'apprentissage, car vous êtes fortement impliqué dans la découverte de la bonne manière de faire.


L'échelle qualitative d'utilisation des critères retenus


Comme le mètre étalon déposé à Sèvres, une évaluation est souvent fonction d'une définition a priori. Celle que nous proposons est donc fondée sur les critères que nous avons discutés ci-dessus. Un jeu sérieux doit pouvoir être positionné dans une des cases de l'échelle ci-dessous. Ces cases sont définies en fonction de la plus ou moins grande présence des critères.


Très bon jeu sérieux Bon jeu sérieux Jeu sérieux moyen Mauvais jeu sérieux
Présence de 4, 5 ou 6 critères Présence de 3 critères Présence de 2 critères Présence d’un ou de zéro critère

Echelle de positionnement d'un jeu sérieux



Nous devons donc définir maintenant à quelle condition un des six "critères", sélectionnés ci-dessus, sera dit présent dans un jeu sérieux ?

Nous faisons alors intervenir un jugement porté par un ou plusieurs observateurs. On dira qu'un critère est présent s'il obtient une note moyenne qui le rapproche des notes 4 ou 5 dans une autre échelle constituée comme ci-dessous.


CRITERES Très fort (5 points) Fort (4 points) Moyen (3 points) Faible(2 points) Très faible (1 points)
Le degré de compétition proposé est jugé:

Voici, ci-après, les notes moyennes d'une évaluation faite par dix personnes sur un serious game.

Nous dirons que le critère de "compétition" n'est pas présent, car la note obtenue est inférieure à 4 ; nous dirons, par contre, que le critère "Simulacre" est présent, car la note moyenne est supérieure à 4.

Dix managers joueurs ont testé et noté le jeu.

CRITERES Très fort (5 points) Fort (4 points) Moyen (3 points) Faible(2 points) Très faible (1 points)
Le degré de compétition proposé: 2,6
Le degré simulacre: 4,3
La plus ou moins grand possibilité d'addiction: 2,8
Le degré d'immersion permis: 4,2
La structure pédagogique invisible du jeu: 4,7
Le degré d'émotion suscitée: 4,1

 Exemple : évaluation d'un serious game
(moyenne sur 10 joueurs)

Sur le tableau ci-dessus, qui rassemble les échelles d'appréciation sur les six critères choisis, nous voyons que quatre critères obtiennent de bonnes notes (de 4,1 à 4,7 sur une échelle de 5 points). Pour notre exemple, nous pouvons donc cocher la case : "Très bon jeu sérieux".




mercredi 8 octobre 2014

mardi 7 octobre 2014

Les Nouvelles Aventures de Sindbad en 2 vidéos !


Vous connaissez sûrement les aventures de Sindbad le Marin issues des contes des Mille et Une Nuits. Et bien notre héros Sindbad revient de ses aventures extraordinaires en Perse pour reprendre l'affaire familiale. Une entreprise d'import-export basée dans une citée portuaire de l'Italie du XVième siècle. Dans cette entreprise il va retrouver tous les problèmes classiques qu'un manageur peut rencontrer. Apprenez le management et expérimentez le savoir avec Sindbad le Manageur !




Bande annonce des Nouvelles Aventures de Sindbad


Découvrez comment se compose nos modules de formation bâtis autour du serious game. Chaque module de 3 heures se compose de 3 actes d'une heure de formation avec :
  1. des séquences théoriques de 10 à 20 minutes chacune appelées Fictions Pédagogiques dans lesquels vous bénéficierez d'un apport théorique. Discutez avec Flavio Biondo, Erasme, Machiavel, Pic de la Mirandole sur des thématiques concrètes du management ;
  2. des séquences de jeu de 10 à 20 minutes chacune avec le serious game et la possibilité d'apprendre en situation. Le scénario s'adapte en fonction de vos comportements et de vos choix ;
  3. une séquence de débrief personnalisé qui vous permet de revenir sur les choix que vous avez fait dans le jeu et de tirer partie de votre expérience de jeu ;
  4. des séquences avec des ressources documentaires pour capitaliser les apprentissages réalisés.

 

Comment se compose un module ?


La formation se renouvelle ! Et vous ?

Visitez notre site dédié à Sindbad et ses aventures : www.sindbad-lejeu.fr





lundi 6 octobre 2014

Les nouvelles aventures de Sindbad maximise les acquisitions de compétences.

Alex Mucchielli
Les performances de notre serious game tiennent au fonctionnement systémique de l'ensemble de ses éléments pédagogiques. Nous vous présentons ce système.









L'univers du jeu

Dans une cité portuaire de l'Italie de la renaissance, Sindbad l'aventurier est revenu prendre en main l'affaire d'import-export de son père. Il rencontre tous les problèmes du management : de la constitution d'une équipe cohérente et motivée, à la résolution des conflits, en passant par la conduite du changement et l'innovation.

Cet univers est complètement analogique avec l'univers réel de management d'une équipe. Mais la transposition ludique et fictionnelle, ainsi que l'identification facile au sympathique héros, favorise l'implication dans les activités de maîtrise des situations proposées. Cette immersion facilite les apprentissages.

Un univers riche et immersif


Les actes du jeu et les façons de jouer

Le joueur-apprenant est donc mis, dans chaque acte du jeu, en face de situations-problèmes typiques du management, situations qu'il doit résoudre au mieux. Il a à sa disposition des choix de positionnements et des choix d'interventions. Chaque série de choix provoque des réactions des protagonistes de la situation. Il doit gérer ces réactions pour atteindre ses objectifs. Les réponses des autres acteurs de la situation lui permettent d'apprécier la justesse de ses actions et d'en tirer des leçons.

Construisez votre argumentaire managérial en posant des cartes

 

La préparation de la mise en situation

Le joueur-apprenant n'arrive pas sans préparation dans la situation-problème qu'il doit résoudre dans un acte. Dans des scènes préparatoires il rencontre des experts (Erasme, Pic de la Mirandole, Machiavel, Léonard de Vinci...), qui lui donnent des conseils, des méthodes et le font réfléchir aux problèmes qu'il va rencontrer. Des quiz, incorporés dans ces fictions pédagogiques, permettent de bien mettre en avant les points que le joueur doit retenir.

Rencontre avec Erasme

 

Les bilans d'apprentissage

Après chaque scène préparatoire et chaque acte du jeu, un bilan de "ce qu'il faut retenir" est fait, par Sindbad lui-même, ou par un autre acteur important du jeu. Ces bilans participent au renforcement des apprentissages visés.

Bilan d'apprentissage


Les débriefings pédagogiques

Après chaque acte de jeu interne à un épisode, la totalité des coups joués par l’apprenant lui est présentée. Chaque coup qu'il a joué est accompagné d’un commentaire le situant par rapport à une «bonne manière de faire» qui sert de référence. Sa performance, notée sur l'échelle de points qui lui a été présentée au départ, avec les objectifs à atteindre, lui est expliquée. Cette échelle comporte toujours plusieurs dimensions qui sont en rapport avec les compétences à acquérir. Les commentaires reçus par le joueur sont donc adaptés aux coups qu'il a joués. Ils sont très importants, car c'est lors de leur réception que le joueur prend définitivement conscience des bonnes  et des mauvaises manières de faire.

Débriefing personalisé

Les tests de compétence et d'acquisition

Différents types de tests et de questionnaires sont positionnés dans le déroulement d'un épisode. Au début d'un épisode, ils font le point sur les savoirs faire possédés ; à la fin d'un acte ou d'un épisode, ils font le point sur les acquisitions faites. 

Test d'acquisition de compétences


La gamification interne au jeu

Notre serious game réintroduit dans la formation les effets motivants, bien connus en pédagogie, du jeu. Chaque bonne performance du joueur est signalée et récompensée. Si sa performance est remarquable, le joueur-apprenant gagne un badge adapté à son type de performance. Les divers badges collectionnés, peuvent être affichés sur un tableau d’honneur, ou bien, peuvent être envoyés à telle ou telle personne : collègue, manager, responsable de formation...

Les badges de la gamification


Le social learning : une communauté de pratiques

De nombreux joueurs-apprenants recommencent les actes pour trouver les meilleurs parcours et gagner le plus de points et décrocher les badges les plus recherchés. Ils échangent ensuite leurs conseils, leurs astuces, leurs remarques..., sur un réseau social dédié à leur entreprise. Ces échanges entre joueurs participent, en partie, de ce que l'on appelle l'apprentissage informel.

L'apprentissage informel ou collaboratif : le social learning




vendredi 3 octobre 2014

Le serious game réenchante la formation par l'immersion, le jeu et la compétition


Alex Mucchielli
Les entreprises découvrent que leurs collaborateurs sont attirés et séduits par les serious games de formation. Ces formations ludiques leur permettent de réaliser la quasi-totalité des apprentissages voulus. En effet, le serious game a une ingénierie pédagogique performante : il promeut un apprentissage « par la bande », en s'appuyant sur l'impact des émotions suscitées par les épreuves du jeu.
On peut apprendre en jouant. Ceci n'est pas une nouveauté, mais on l'avait bien oublié. Les séminaires présentiels, d'ailleurs, ne se privent pas de faire des « jeux de rôles ». Un des meilleurs exemples de jeux de rôles pédagogiques nous est fourni par Célestin Freinet. Cet instituteur, dans les années 50, fait apprendre l’orthographe, la rédaction et la coopération à ses élèves en leur faisant réaliser « le journal de leur classe ». Chaque petit groupe d'élèves devait trouver un sujet de reportage lié au programme des cours, réaliser le reportage, le transcrire, en vérifier l'orthographe, le titrer et trouver sa place dans le journal. Les articles étaient signés de leurs auteurs et étaient distribués aux familles qui étaient constituées en lecteurs et juges extérieurs. Dans ce jeu de rôles, les activités ludiques font apprendre l’orthographe, la rédaction et la coopération. Il nous faut remarquer, que, tout à leur jeu et à la compétition, les élèves n'ont pas pleinement conscience d'avoir à apprendre l’orthographe, la rédaction et la coopération. Ils sont centrés sur leur sujet et oublient les contraintes, et, par ailleurs, ils sont émus et polarisés par l'idée de se faire lire et juger par leurs parents.

De nos jours, le serious game reprend ces idées : utiliser le jeu et la compétition pour motiver et faire apprendre autrement. C'est ainsi que le monde ludique du serious game nous entraîne dans une fiction divertissante, éloignée des pesanteurs du réel habituel. La mise en scène vise à faire oublier la correspondance avec la vie professionnelle. Nous sommes dans un monde immersif dans lequel nous jouons le rôle du héros. Si une épreuve se met en travers de notre progression, nous sommes, tout d'un coup, sous tension. Il y a des enjeux de valorisation, de compétition, d'amour-propre…, qui apparaissent. Nous perdons un peu de nos moyens. Puis nous commençons à nous maîtriser et à rentrer dans l'exercice imposé en faisant appel à nos ressources. Notre état émotionnel va être dépassé et nous allons mobiliser tout ce dont nous disposons pour surmonter l'épreuve. Nous sommes en phase aiguë d'apprentissage. La forme mineure du stress vécu, appelé par les spécialistes : le bon stress (celui qui démultiplie les potentialités de réaction), facilite alors l'engrammage des apprentissages. C'est, sous l'impact des émotions et de la concentration exigée par l'épreuve, que nous oublions les contraintes et la finalité pédagogique du jeu. C'est alors que nous allons apprendre sans trop nous en apercevoir. Les vraies performances pédagogiques des serious games d'aventure reposent sur cet apprentissage inconscient.

Les NTIC permettent de nouvelles formes de jeux pédagogiques


Un des modèles d'un tel e-learning est le jeu d'aventure situé dans un monde imaginaire, dans lequel le héros - auquel est identifié l'apprenant- a un parcours à accomplir et des quêtes à réaliser. Les scénarisations entraînent les apprenants dans un monde parallèle imaginaire. L'univers du jeu est une transposition onirique de situations réelles. L'immersion dans ce monde doit susciter l'intérêt et fait partie de son attrait ludique. Le héros du jeu doit permettre aux apprenants de s'identifier à lui. Sa représentation graphique et ses caractéristiques psychologiques doivent être travaillées en ce sens. Le monde dépaysant, dans lequel agit l'apprenant, possède des parties totalement analogiques avec certains éléments du monde réel. Les mises en scène placent l'apprenant dans des situations qui ont toutes les caractéristiques des situations-problèmes professionnelles qu'il doit apprendre à maîtriser. C'est seulement la présentation qui transporte l'apprenant dans un monde décalé. La réussite ou l'échec de l'apprentissage, peuvent être signalés directement dans le cours du jeu à travers les réactions des personnages ou des événements. Un débriefing final s'impose. Il reprend les coups joués et fournit une analyse qui participe à la formation recherchée.

Traverser les épreuves présentées par le serious game est déjà une aventure ludique. Cette "ludification" est amplifiée par l'introduction de procédés d'auto-évaluation amusants : la gamification. La gamification du serious game (introduction de gain ou perte de points, concours, challenges…), est donc organisée pour renforcer l'implication du joueur dans le jeu. Cette gamification, d'une part, concourt à la création de sens (se perfectionner, être le meilleur, monter en niveau de compétence…) et, d'autre part, participe à la création d’émotion (vouloir réaliser telle performance, avoir peur de rater, être pris dans le jeu…). Cette gamification renforce donc l'utilisation du procédé pédagogique qu'est l'introduction du jeu en formation.

Une innovation d'avenir pour la formation professionnelle


Tous les experts de la formation constatent que la formation professionnelle destinée aux managers s'épuise. Les apprenants sont lassés des séminaires présentiels qui reposent essentiellement sur la bonne relation avec l'animateur et qui n'apportent pas beaucoup de savoirs faire utiles en situation professionnelle. Ils sont aussi lassés des e-learnings traditionnels qu'ils jugent trop peu attractifs à travers une pédagogie trop « descendante » (75 % d'entre eux abandonnent avant la fin de leur formation). Par ailleurs, ils attendent, pour 65 % d'entre eux, des formations nouvelles, reposant sur les potentialités des nouvelles technologies de l'information et de la communication (enquête Cegos).
Justement, les avancées des nouvelles technologies informatiques rendent désormais possible la mise en place et l'utilisation des serious games. Ils relancent complètement l'attractivité des formations professionnelles : ils proposent -outre l'introduction du jeu et de la gamification- : une ingénierie pédagogique plus complexe, une pédagogie de l’apprentissage « par la bande », une interactivité forte, une pédagogie de l’erreur (on peut se tromper et recommencer), des modalités d’utilisation variées (en séminaire, en social learning, en coaching, en blended learning, en e-learning pur) et, ils ont une durée de vie plus grande (on peut rejouer).

www.sindbad-lejeu.fr

De très nombreux responsables de formation ont d'ailleurs repéré les potentialités de tels outils de formation et poussent leurs entreprises à utiliser ou à réaliser de tels e-learnings innovants. La liste de ces entreprises s'allonge tous les jours. L'Idate, pour sa part, estime que le taux de croissance annuel moyen du marché du serious game est de 47 % actuellement et qu'il pourrait être sept fois plus important dans deux ans.

Article publié par Alex Mucchielli dans Décideurs Magazine le 16 mai 2014.